La République démocratique du Congo (RDC) a haussé le ton jeudi face au Rwanda, accusé de soutenir une mutinerie dans l’est congolais, en « exigeant » des autorités rwandaises qu’elles « cessent de laisser leurs officiers continuer à alimenter la guerre ».
« Nous exigeons que les autorités rwandaises arrêtent, cessent de laisser leurs officiers continuer à alimenter la guerre au Congo », a déclaré le porte-parole du gouvernement congolais Lambert Mende.
Il a fait état des « preuves accablantes » contenues dans les annexes d’un rapport d’experts de l’ONU selon lesquels des mutins qui s’opposent depuis mai à l’armée congolaise (FARDC) au Nord-Kivu (est) ont reçu l’appui d’officiers supérieurs rwandais.
« Nous leur demandons de démanteler les réseaux, les filières de recrutement et de ravitaillement en faveur des forces négatives qui sont au Congo, sans conditions », a-t-il ajouté lors d’un point de presse à Kinshasa.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a publié mardi soir un rapport d’experts de l’ONU mais toujours pas son annexe, que l’AFP s’est procurée et dans laquelle ils affirment que des hauts gradés de l’armée rwandaise, « dans l’exercice de leurs fonctions officielles, soutiennent les rebelles en leur fournissant des armes, du ravitaillement militaire et de nouvelles recrues ».
Selon le document des experts, ces officiers ont apporté une « aide directe » à la création du M23 (Mouvement du 23 mars, dont se revendiquent les mutins).
Parmi les noms cités dans l’annexe figurent des personnalités clés du régime rwandais: le ministre de la Défense, le général James Kabarebe, le chef d’état-major des armées, le général Charles Kayonga, et aussi le général Jack Nziza, secrétaire permanent du ministre de la Défense et ancien patron du DMI (Department of Military Intelligence), les services de renseignements militaires.
Kigali, qui a toujours nié tout soutien à la mutinerie, a rejeté ce rapport par la voix de sa ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, qui l’a qualifié de « document préliminaire partial fondé sur des conclusions partielles » qui « doit encore être vérifié ».
« Nous serions étonnés qu’un ministre de la Défense nationale puisse agir de son propre fait dans une situation comme celle-là et rester en fonction comme ministre. Je pense que le sort du ministre sera une indication claire de l’implication du gouvernement en tant que tel ou non », a déclaré M. Mende.
Il a affirmé que trois bataillons rwandais se trouvaient avec les mutins, qui tiennent quelques collines dans le sud-est du parc national des Virunga, à la frontière avec le Rwanda et l’Ouganda.
Rébellion tutsi-congolaise.
« Nous serions fort étonnés que le n°1 des force armées rwandaises puisse prendre la décision de projeter des troupes sur un territoire étranger sans l’aval du commandant suprême de l’armée qui est le chef de l’Etat (Paul Kagame) et rester en fonction un jour après que le président ait appris cela. S’il reste en fonction, cela sera clair pour nous que cela a procédé d’une volonté supérieure, dans ce cas là c’est grave », a ajouté M. Mende.
Les généraux Kabarebe et Kayonga étaient présents jeudi à Goma, la capitale du Nord-Kivu, avec leurs homologues congolais le ministre de la Défense, Alexandre Ntambo Luba, et le chef d’état-major des Forces armées de la RDC (FARDC), le général Didier Etumba, pour discuter à huis-clos de la situation sécuritaire, a constaté l’AFP.
Les mutins sont des ex-membres de la rébellion tutsi-congolaise du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), intégrés dans les FARDC dans le cadre d’un accord de paix avec Kinshasa signé le 23 mars 2009, dont ils réclament la pleine application. Le CNDP était soutenu par le Rwanda.
La mutinerie serait dirigée par le général Bosco Ntaganda, ex-chef d’état-major du CNDP, et le colonel Sultani Makenga, ex-numéro 3 du CNDP, présenté comme le chef du M23 par les mutins.
M. Mende a par ailleurs qualifié de « tota
lement fausse » l’accusation du Rwanda selon laquelle Kinshasa chercherait à collaborer avec les rebelles hutus-rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), actifs dans l’est de la RDC et traqués par les FARDC.
« Nous comprenons que les amis rwandais veulent détourner l’attention sur les accusations graves qui pèsent sur eux », a-t-il commenté.
AFP