« Au départ, nous avions peur d’un assaut meurtrier. Après, ils nous tuaient chaque jour psychologiquement », raconte Mohamed Aït Ramdane, un machiniste de 55 ans, dont 31 de marine marchande.
Vêtu d’un survêtement noir, très amaigri, M. Aït Ramdane a des difficultés à raconter son calvaire.
Très digne, le machiniste du MV Blida, entouré de sa famille dans son appartement de Hadjout (70 km à l’ouest d’Alger) évoque l’arraisonnement.
« Les Somaliens étaient à bord d’un bateau tunisien, Hannibal (capturé et libéré depuis), doté de trois canots à moteur ».
Entre 20 et 30 pirates montent à bord lourdement armés et commencent par couper la radio et le radar, selon différents témoignages.
Un autre marin, Smail Kahli, 61 ans, effectuait son dernier voyage avant la retraite après 42 ans dans la marine marchande.
« J’ai pensé à ma petite-fille Maram âgée aujourd’hui de 20 mois quand les pirates nous ont pris en otage », se souvient-il.
L’équipage est retenu à bord du MV Blida durant les dix mois de captivité mais le navire change de place à plusieurs reprises, selon les témoignages.
Ils étaient très maigres, les yeux rouges, en pagnes ou en tenue militaire. « Le soir, les pirates mâchonnaient leur khat, buvant beaucoup de thé. Arabophones, ils préféraient s’exprimer en anglais et étaient souvent ivres », disent les marins.
Une torture lente
« Nous avions droit à des menaces quotidiennes. C’était une torture lente », raconte par téléphone depuis l’ouest algérien Ahmed Benmoussa, 53 ans, marin depuis 31 ans.
« Ils m’ont frappé ainsi que d’autres collègues parce qu’ils avaient appris qu’on avait caché du gasoil », explique M. Aït Ramdane. Ils avaient été « vendus » par un camarade qu’il refuse de condamner: « soumis à une véritable torture psychologique, on finit par craquer », explique-t-il.
« Il nous arrivait de rester trois ou quatre jours sans manger et quand on avait de quoi se nourrir c’était du riz ou des spaghettis, de très rares fois de la farine pour préparer du pain. Nous avons eu droit parfois à de la viande de brebis. L’eau était impropre à la consommation, on y ajoutait du chlore pour la boire », affirment plusieurs marins.
Les piratent disaient « si l’armateur de paie pas, on vous jette à El Ramla, un désert où il est impossible de survivre », raconte M. Aït Ramdane. « Hamdoullah, c’est fini », soupire-t-il en affirmant qu’il ne « reprendra plus la mer ».
Les marins estiment avoir été échangés contre de l’argent.
« Le jour de notre libération, le chef des pirates est venu avec près de 150 hommes. Un avion a parachuté un sac plein d’argent », raconte M. Kahli.
« Le chef des pirates est monté sur la passerelle avec le commandant de bord ukrainien et tous deux ont compté l’argent », une somme que M. Kahli déclare ignorer.
Des marins de cinq nationalités différentes étaient sur le MV Blida.
A l’annonce de leur libération, le porte-parole du ministère algérien des Affaires étrangères Amar Belani a affirmé que l’Algérie n’avait payé aucune rançon.
« L’Algérie a une position doctrinale immuable et connue », a-t-il déclaré. Elle « ne verse pas de rançon et condamne fermement cette pratique, qu’elle soit le fait des Etats ou d’organismes parapublics ou privés ».
L’Algérie milite pour la « criminalisation du paiement des rançons » par l’ONU.
AFP