Pour lancer sa boutique en 1995, M. Bahbahy avait puisé 200 oeuvres dans sa collection personnelle. "Maintenant j’ai 12.000 livres", raconte ce septuagénaire un peu fou, en chemise et mocassins.
D’un geste de la main, il montre les rayonnages où les livres de géographie, philosophie, politique, sciences et religion s’étalent au côté de thrillers américains. Des tomes épais de l’Encyclopédie Britannica s’entassent aussi au deuxième étage de la boutique, sous le regard vigilant d’une Mona Lisa encadrée.
Mouammar Kadhafi a tué la culture locale de la lecture, dit-il. Il lui a donc été facile de construire sa collection, amis ou étrangers voulant vendre les livres de leurs grands-parents, période où la Libye était une monarchie, pour se faire un peu d’argent de poche.
La plupart des ses clients, dit-il, sont des touristes de passage.
"Nous étions alors très heureux d’avoir la révolution… mais il l’a volée", se lamente-t-il.
Doucement mais sûrement, Kadhafi a purgé l’armée des officiers éduqués. Le tour de Bahbahy est venu en 1979.
Après des années à travailler dans différents entreprises, il a décidé de vivre de sa passion d’enfant. "J’ai appris à lire le Coran à l’âge de trois ans avec mon grand-père qui m’a élevé. Adolescent, mon passe-temps favori était de lire des livres historiques", raconte-t-il dans un anglais fluide.
Les fondamentaux du régime sont également disponibles sur ses étagères. Le Livre vert, manifeste politique de Mouammar Kadhafi, est là en arabe, anglais, français, japonais, italien, espagnol, hébreu et même en bengali.
"Le Livret vert a été traduit en 45 langues, plus que le Coran. Kadhafi se considérait comme l’empereur du monde et il voulait que ses théories touchent tout le monde", affirme le libraire.
Il y aussi des compilations de chaque déclaration écrite et orale faite par le "Guide" libyen aujourd’hui déchu.
"On ne pouvait pas dire un seul mot. On discutait de politique dans notre cercle d’amis de confiance, dans l’intimité. Mais jamais en public et nous ne l’aurions jamais publié. Maintenant, on peut", sourit-il.
Diasporas-News AFP