En critiquant ouvertement la stratégie militaire française et en rejetant le calendrier électoral imposé par la Cédéao, le gouvernement malien compte affirmer son libre arbitre et se poser en défenseur des intérêts de son peuple. Une stratégie qui divise dans le pays, suscitant une forme d’engouement mais également des craintes. Non seulement, le Premier Ministre de la transition, Choguel Maïga a critiqué la France et l’organe ouest-africain dans une récente interview, il a aussi osé le dire à la tribune de l’ONU, devant l’assemblée générale.
Accusations jugées inacceptables et indécentes par la ministre française de la défense Florence Parly, avant que le Président Macron n’en rajoute une couche. Tout est parti de la fin supposée de l’opération Barkhane, que le Mali qualifie d’« abandon en plein vol ». Une mesure de rétorsion de la part de Paris depuis que des rumeurs d’un possible accord entre les autorités maliennes et le groupe paramilitaire russe Wagner sont apparues. Alors que Paris juge la participation éventuelle de miliciens russes incompatible avec l’engagement français au Sahel, le Mali se pose en État souverain libre de diversifier ses alliances militaires s’il le souhaite. Une attitude perçue comme de l’ingratitude car, n’oublions pas que sans la France, alors dirigée par François Hollande, le Mali aurait été annexé en 2014 par les djihadistes. L’histoire est encore trop récente pour être effacée d’un revers de la main.
Vis-à-vis de ses partenaires africains, Bamako tient désormais le même discours, rejetant toute forme d’ingérence. Alors que le gouvernement de transition, nommé après le coup d’État militaire du 18 août 2020, s’était engagé à organiser des élections dans une période de 18 mois, le Premier ministre Maïga a évoqué, la possibilité d’un report du scrutin. Il estime que l’échéance fixée par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ne correspondait pas à la réalité malienne, issue d’un coup d’état dans le coup d’état.
Les tensions entre la France, qui a perdu de nombreux soldats dans l’opération antiterroriste Barkhane, et le Mali éclatent aujourd’hui au grand jour avec le dossier Wagner. Elles ne datent pas d’hier. Elles ont été renforcées par le fait qu’Emmanuel Macron est capable de sauter dans un avion pour aller adouber un chef issu d’un coup d’état au Tchad, alors qu’il tape sur les doigts des putschistes du Mali. Une attitude irrespectueuse, selon de nombreux Maliens.
Barkhane or not Barkhane ? Et si toute cette histoire d’amour-répulsion entre la France et le Mali était juste une question d’intérêts économiques et géopolitiques ? On le sait, les pays n’ont pas d’amis ; ils ont des intérêts !
Malick Daho, paru dans le Diasporas-News 129 – Octobre 2021