Autrefois florissant, le coton du Togo est à la peine. L’Etat veut toutefois redynamiser ce secteur stratégique, notamment grâce à sa récente privatisation et des efforts d’industrialisation pour faire de « l’or blanc » une vraie source de revenus et d’emplois pour le pays.
Malgré des prévisions ambitieuses, la campagne 2020-2021 a été un gros coup dur pour le Togo, qui n’a produit que 67.000 tonnes de coton, soit une baisse considérable de 43% par rapport à l’année précédente (116.000 tonnes).
Lors d’une conférence de presse organisée à la mi-juin, le président du conseil d’administration de la Nouvelle Société cotonnière du Togo (NSCT), Simféitchéou Pré, a avancé plusieurs facteurs pour expliquer ces mauvais chiffres, notamment « la mauvaise qualité des semences de coton » et « des inondations dans le nord du pays ».
D’autre part, la baisse du prix du coton-graine (de 265 à 225 FCFA/kg) a poussé de nombreux producteurs à se tourner vers d’autres cultures telles que le maïs et le soja.
« Au moins 40.000 cotonculteurs sur 153.000 ont abandonné leur culture pendant la campagne écoulée », soit près d’un quart d’entre eux, se désole Koussouwè Kourouféi, président de la Fédération nationale des groupements de producteurs de coton (FNGPC).
« L’or blanc », tel qu’il est surnommé dans la région d’Afrique de l’Ouest, ne contribue qu’à hauteur de 1 à 4,3% du Produit intérieur brut (PIB) du pays, et n’emploie plus – même indirectement – que 500.000 personnes sur une population de 8 millions d’habitants.
– Régions marginalisées –
Pourtant, ce secteur agricole est particulièrement stratégique en matière de création de valeur et d’emplois, notamment pour les plus pauvres et les petits agriculteurs situés dans les régions marginalisées du nord.
A titre de comparaison, le Bénin voisin, désormais premier producteur de la région, enregistre une production de plus de 700.000 tonnes (324.000 tonnes en 2015-2016) pour une part du PIB dépassant les 12% et qui représente 60% du tissu industriel du pays.
Patrice Talon, le chef de l’État béninois qui a fait lui-même fortune dans le coton, avait relancé la production à son arrivée au pouvoir en 2016, notamment via la privatisation du secteur et contrôle désormais directement ou indirectement toutes les branches du secteur.
Le Togo a également fait le choix de la privatisation, en cédant 51% de ses part de la société publique Nouvelle Société cotonnière du Togo (NSCT) au géant singapourien Olam en décembre 2020. Le Groupement des producteurs locaux se partagent 25% des actions et l’État en conserve 24%.
« Nous avons tous espoir de voir la nouvelle campagne offrir des perspectives plus radieuses à l’ensemble de la filière » avec une production de 135.000 tonnes de coton pour la nouvelle campagne, et 225.000 tonnes d’ici 2025, explique à l’AFP Martin Drevon, directeur général adjoint chargé des opérations de la NSCT.
La NSCT devra prendre en charge toutes les activités cotonnières dans le pays, de l’appui aux agriculteurs à la commercialisation, en passant par l’égrenage et la vente.
Le prix d’achat de coton-graine sera également hissé à 254 FCFA/kg et la société va aider les agriculteurs en fournissant des engrais et appuyer la mécanisation du secteur, poursuit M. Drevon.
– Usines de transformation –
Le parc industriel doit également être réhabilité et une usine en construction, implantée dans la nouvelle zone industrielle d’Adétikopé, à une vingtaine de kilomètres de Lomé, ambitionne de transformer sur place 5.000 tonnes de fibre d’ici 2022 et 25.000 tonnes ces trois prochaines années.
Néanmoins, beaucoup craignent que cette nouvelle acquisition par une multinationale ne soit que le début d’une politique de rachats de nombreux secteurs, au dépend des « opérateurs économiques togolais ».
« Si on se laisse faire, au bout de cinq ans, tout le coton togolais sera entre les mains de ce groupe », s’inquiète Emmanuel Sogadji, président de la Ligue des consommateurs du Togo (LCT).
« Et cela ne concerne pas seulement le coton. Il y a également le soja et d’autres produits agricoles. Même si l’économie est libérale, il faut plutôt faire la promotion des investisseurs nationaux », défend-il.
Le groupe Olam International est en pleine expansion et étend son influence dans l’agroalimentaire en Afrique.
Créé en 1989 au Nigeria, le groupe présent dans plus de 60 pays est désormais détenu majoritairement par le japonais Mitsubishi et par Temasek, le fonds souverain de Singapour.
Malgré plusieurs succès comme au Tchad, où le groupe a réussi là aussi à redynamiser l’industrie du coton, le groupe est régulièrement accusé d’asphyxier ses concurrents par une guerre des prix bas et d’obtenir des situations de quasi-monopoles.