La Chine, première créancière de l’Afrique, s’est associée à l’accord « historique » d’allègement de la dette des pays pauvres affaiblis par l’épidémie de coronavirus.
Mais le manque de coopération de ses acteurs privés freine le processus lancé dans le cadre du G20, le groupe des 20 premières économies du globe.
Qu’est-ce que l’accord obtenu au G20?
Pékin s’était refusé à participer aux efforts collectifs de réduction de la dette publique jusqu’à un accord obtenu en novembre lors d’une réunion du G20 en Arabie Saoudite.
L’accord, qui rassemble pour la première fois tous les créanciers bilatéraux, particulièrement la Chine, a été qualifié « d’historique » par le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire.
Il ne prévoit pas d’annulation des dettes mais met en place « un cadre commun » pour « les cas les plus difficiles (où) l’annulation ou l’élimination de la dette est nécessaire ».
Un moratoire sur le service de la dette
Les pays du G20 avaient déjà suspendu courant 2020 le service de la dette de 73 pays (dont une quarantaine en Afrique), un dispositif prolongé jusqu’en juin 2021.
En conséquence, les créanciers chinois ont suspendu le remboursement des 2,1 milliards de dollars d’intérêts qu’ils auraient dû recevoir en 2020, soit le montant le plus élevé de tous les pays du G20, a souligné fin novembre le ministre chinois des Finances, Liu Kun.
La France arrive en deuxième position, avec 810 millions de dollars. Au total, les pays du G20 ont suspendu pour 5,3 mds USD de remboursements.
Combien la Chine a-t-elle prêté?
En Afrique, Pékin a investi 148 milliards de dollars dans des projets d’infrastructures, en échange d’un approvisionnement en matières premières comme le pétrole ou le cuivre, selon des chiffres de la China Africa Research Initiative de l’Université Johns Hopkins aux Etats-Unis.
Cela représente environ le cinquième des emprunts contractés par le continent.
Où est le problème?
Le montant suspendu par la Chine n’est qu’une fraction des 13,4 milliards de dollars que le géant asiatique devait toucher en 2020 de la part des 73 pays concernés, selon la Banque mondiale.
Comment s’explique une telle différence?
Les prêteurs chinois tendent à fonctionner en silo et nul ne sait exactement qui a prêté combien à quel pays.
« La Chine dit qu’elle coopère mais elle n’a pas de processus pour faire travailler ensemble ses gros créanciers », a lancé courant décembre le président de la Banque mondiale, David Malpass.
Le géant asiatique ne fait pas partie du Club de Paris, où les principaux pays créanciers négocient les accords de rééchelonnement de la dette en s’échangeant des données sur leurs prêts.
En conséquence, les négociations avec la Chine manquent de transparence, observent des experts.
« Les créanciers chinois préfèrent discuter tranquillement de restructuration de la dette de façon bilatérale », selon Deborah Brautigam, de la Johns Hopkins School of Advanced International Studies.
« Ce manque de transparence nourrit les soupçons quant à ses intentions », déclare-t-elle à l’AFP.
Le privé pas concerné
Quant aux prêteurs privés, ils peuvent choisir de ne pas participer au processus du G20.
Cas d’école: l’Angola, le plus gros emprunteur africain de fonds chinois. Sa tentative de renégocier le remboursement de 6,7 milliards de dollars dus à Pékin en 2020 se heurte à cette complexité, selon le Fonds monétaire international (FMI).
Le pays africain a reçu des prêts de la Banque chinoise d’import-export (Eximbank) mais aussi de la Banque chinoise de développement (BCD) accordés à son groupe pétrolier public, Sonangol.
Or Pékin considère sa banque de développement comme un prêteur privé, alors même que l’institution est financée par des fonds publics. Elle peut donc s’affranchir du cadre du G20.
Ni l’Eximbank ni la BCD n’ont accepté de répondre aux questions de l’AFP sur leur négociations avec les pays concernés.
« Environ 31% de la dette extérieure de l’Afrique est due à des entités privées, contre 17% à la Chine », observe David Dollar, spécialiste de la Chine à l’Institution Brookings à Washington.
« Il est donc impératif que les créanciers privés offrent des baisses de taux d’intérêt ou des allègements de dette ».
Un piège de la dette?
La Chine a été mise en cause ces dernières années pour avoir pris « au piège de la dette » des pays à qui elle a offert de colossaux projets d’infrastructure dans le cadre de ses nouvelles routes de la soie.
Ses banques « ne se laisseront pas faire lors des négociations parce que si elles se montrent conciliantes avec un débiteur cela pourrait créer un précédent qui menacera tout leur portefeuille de prêts », avertit un analyste de Sinosure, une maison de courtage qui travaille avec de gros prêteurs chinois.
« Elles accepteront peut-être des délais de grâce ou des baisses de taux mais des annulations pures et simples sont hors de question ».