Rendre les femmes plus autonomes en les aidant à entreprendre: ce sujet revient comme une litanie dans les stratégies de développement depuis des décennies, mais peu de progrès ont été réalisés sur le terrain, déplorent des femmes africaines chefs d’entreprise.
L’Ivoirienne Patricia Zoundi et la Nigérienne Hamidou Abdoulaye Nafissa ont témoigné de leurs difficultés lors du premier sommet en Afrique de l’Ouest de « l’Initiative de financement en faveur des femmes entrepreneurs » (We-Fi selon l’acronyme anglais), mercredi à Abidjan.
Patricia Zoundi a créé il y a 10 ans une société de transfert d’argent spécialisée pour les agriculteurs et les travailleurs du secteur informel, « Quick Cash », avec seulement « 200 dollars en poche ». Elle emploie aujourd’hui 60 personnes.
Forte de son succès, elle a créé depuis deux autres sociétés, Digital Hub, spécialisée dans les paiements mobiles pour les petits commerçants, et CanaanLand, une société de services qui aide les paysans à acquérir des semences, des engrais et à se former.
Pourtant, les banques refusent toujours de lui accorder des crédits, alors qu’elle a besoin d’investir dans de nouvelles technologies, a-t-elle raconté.
Hamidou Abdoulaye Nafissa a créé en 2014 une société de production d’aliments pour bétail, « Salma », avec un tout petit capital qui lui a permis d’acheter une machine. « Je suis la seule femme du Niger qui a créé une entreprise dans ce secteur. Aucune banque n’a voulu me financer ». Elle emploie aujourd’hui 10 personnes.
Comme à l’accoutumée lors de ces grands-messes institutionnelles, le sommet du We-Fi (partenariat entre 14 pays pour la plupart du G20, huit banques multilatérales de développement, des sociétés privées et de nombreuses institutions dont l’ONU Femmes) a réuni une brochette de personnalités internationales, avec en vedette médiatique Ivanka Trump, fille et conseillère du président américain.
– ‘Faire plus, plus vite’ –
Chacun y est allé de sa formule choc. « L’Afrique du XXIe siècle sera féminine ou ne sera pas », a lancé le vice-président ivoirien Daniel Kablan Duncan.
« Un oiseau ne vole pas avec une seule aile. L’Afrique volera sur ses deux ailes quand elle aura pleinement autonomisé ses femmes », a déclaré Akinwumi Adesina, le président de Banque africaine de développement (BAD), qui a lancé son propre programme, l’Initiative pour favoriser l’accès des femmes au financement en Afrique (AFAWA).
A l’appui des discours de leurs dirigeants, les organisations internationales alignent les chiffres des sommes mobilisées – quelques milliards de dollars -, cependant bien faibles par rapport aux besoins : « les entreprises dirigées ou détenues par des femmes dans les pays en développement font face à un déficit de crédit d’environ 1500 milliards de dollars », selon l’estimation de la Société financière internationale, une entité de la Banque mondiale.
« Il faut faire plus et plus vite », a reconnu la directrice générale de la Banque mondiale Kristalina Georgieva.
« Je suis allée aux Etats-Unis et dans beaucoup de pays pour parler de moi, de mon entreprise, de la situation des femmes au Niger… sans résultats concrets. Dans mon pays, ça ne bouge pas », confie Hamidou Abdoulaye Nafissa à l’AFP.
« Ce qui nous bloque, c’est la religion, la société, c’est ancré dans la tête des femmes qu’elles sont au second rang » derrière les hommes, ajoute-t-elle.
« En Côte d’Ivoire, ça bouge, mais vraiment lentement », estime Patricia Zoundi. « Le problème, c’est qu’on limite les femmes aux micro-financements ».
« Les institutions internationales annoncent qu’elles ont mis des lignes de crédit à disposition des banques privées pour financer les entreprises des femmes, mais elles ne vérifient pas ensuite si l’argent y est bien employé ».
afp