samedi, novembre 23, 2024
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Les LGBT crient victoire à la première de "Rafiki" au Kenya

La pénombre fait place à l’obscurité totale. La musique d’attente s’arrête et le titre « Rafiki » apparaît à l’écran. La douce euphorie régnant dans la salle de cinéma pleine à craquer explose en une salve d’applaudissements des 230 spectateurs.
Interdit depuis plusieurs mois dans son propre pays au motif qu’il traite de l’amour entre deux jeunes filles, le film kényan « Rafiki », qui signifie « Ami » en swahili, a été diffusé pour la première fois dimanche au Kenya, à la faveur d’une décision de justice, dans un cinéma proche du centre de Nairobi.
« C’est une véritable victoire », se réjouit Daisy Oriri, 24 ans, venue voir le film avec son amie. « C’est le genre de film qui peut faire évoluer les mentalités, qui peut faire comprendre aux gens que nous avons des droits et que nous sommes des êtres humains ».
« C’était un beau film, ça raconte une partie de ma vie », raconte-t-elle, émue, à l’issue de la séance du premier film kényan jamais sélectionné au festival de Cannes, où il a été présenté en mai dans la sélection « Un Certain regard ».

Dans une ambiance détendue, alors que nombre de jeunes gens prenaient des selfies avant le début de la séance pour immortaliser ce moment « émouvant », c’est avec un mélange de rires et de huées qu’a été accueilli sur l’écran le logo de la commission kényane de la censure annonçant que le film est réservé aux « plus de 18 ans ».

Dans « Rafiki », Kena (Samantha Mugatsia) et Ziki (Sheila Munyiva), deux étudiantes vivant chez leurs parents, se rencontrent, se découvrent et s’aiment dans un pays où « les filles bien deviennent de bonnes épouses » et où l’homosexualité reste illégale en vertu de lois datant du colonialisme britannique.
Pudique à souhait, le film mise sur une réalisation sensuelle, privilégiant l’éclosion des sentiments. Mais la commission kényane de la censure n’a pas été de cet avis et avait interdit le film en raison de « son thème homosexuel et de son but évident de promouvoir le lesbianisme au Kenya, ce qui est illégal et heurte la culture et les valeurs morales du peuple kényan ».
« Ce n’est pas facile d’être homosexuel en Afrique. Ce n’est pas le même combat qu’en Europe », souligne Mike, 23 ans. « Les mentalités sont difficiles à changer, mais au moins, ce film provoque un débat dans notre pays. J’espère que la nouvelle génération aura une approche plus tolérante que nos aînés ».
– Oscar –
Déterminée à faire valoir la liberté d’expression et à ce que son film soit en mesure de briguer une nomination aux Oscars, la réalisatrice du film Wanuri Kahiu a saisi la justice kényane pour obtenir une levée de la censure dont est frappée son long-métrage.
Elle a obtenu gain de cause vendredi à Nairobi, où la justice a ordonné la suspension de la censure pour une durée de sept jours. La production a ensuite rapidement trouvé un accord pour que le film soit diffusé dans un cinéma situé dans un centre commercial au sud-ouest du centre de Nairobi.
Sept jours. Juste assez et juste à temps, sachant que les critères de sélection pour les Oscars dans la catégorie Meilleur film en langue étrangère imposent notamment une « sortie du film dans le pays qui le soumet entre le 1er octobre 2017 et le 30 septembre 2018 », et ce « pour une période de sept jours consécutifs dans une salle de cinéma à but commercial ».

Le gérant du cinéma, Celcius Aloo, s’attend à « une salle pleine tous les jours ».

« C’est le premier film kényan de l’histoire à connaître une telle reconnaissance internationale, c’est fou de penser qu’il était interdit dans son propre pays », s’indigne Mbithi Masya, 32 ans, un hétérosexuel venu voir le film car « chacun a le droit d’aimer qui il veut ».
Pour Emily, 19 ans, la commission de censure applique une « politique de deux poids, deux mesures ». « Quand on voit le contenu de certains films américains qui sont autorisés au Kenya, et la réalisation très pudique de Rafiki, on se demande vraiment comment ils en sont arrivés à la décision d’interdire le film », adapté d’un roman éponyme de l’Ougandaise Monica Arac Nyeko.
« Je ne comprends pas tout le foin que l’on fait autour de ce film, et de manière plus générale, autour de l’homosexualité », continue la jeune fille. Est-ce qu’il n’existe pas des problèmes plus importants qu’un film ou que la sexualité des autres? L’homosexualité n’est pas une maladie ».

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