vendredi, novembre 22, 2024
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Dopage et corruption dans l’athlétisme: les Diack père et fils en procès à Paris

Le scandale avait terni l’image du sport : le procès de l’ancien patron mondial de l’athlétisme, Lamine Diack, jugé avec son fils, absent, et quatre acteurs présumés d’un pacte de corruption pour protéger des athlètes russes dopés, a démarré lundi à Paris.

Accompagné de ses avocats, le Sénégalais de 87 ans, arrivé à 09H30 au tribunal judiciaire de Paris, encourt jusqu’à dix ans de prison devant la 32e chambre correctionnelle, pour corruption active et passive, abus de confiance et blanchiment en bande organisée.

« J’ai une très mauvaise audition (…) un état de santé assez compliqué (…) mais je suis là », a lancé en préambule, debout à la barre, l’homme aux cheveux blancs, lunettes fixées sur le nez à l’aide d’un épais élastique. Il doit être interrogé sur les faits mercredi.

– « Organisation criminelle » –

L’affaire avait précipité la chute de ce cacique du sport mondial aux mille vies, ancien sportif, puis politique, devenu le premier dirigeant non-européen de la fédération internationale d’athlétisme (IAAF, 1999-2015), avant d’être arrêté à l’hôtel Sheraton de Roissy, début novembre 2015. Il est accusé par le parquet national financier d’avoir mis en place « une véritable organisation criminelle »qui aurait permis de ralentir à partir de fin 2011 des procédures disciplinaires contre des athlètes russes pourtant suspects de dopage à l’EPO.

A ses côtés, comparaissent l’un de ses anciens conseillers, l’avocat Habib Cissé, et l’ancien responsable du service antidopage de l’IAAF, Gabriel Dollé, jugés pour corruption passive.

Si Lamine Diack a interdiction de quitter le pays, la justice française n’a jamais pu approcher l’un des suspects clé et grand absent du procès, son fils Papa Massata Diack, ancien puissant conseiller marketing de l’IAAF, qui a demandé en vain depuis Dakar le renvoi des débats.

Deux autres acteurs manquent à l’appel, l’ancien président de la Fédération russe d’athlétisme, Valentin Balakhnitchev, et l’ancien entraîneur national des courses de fond, Alexeï Melnikov, visés comme Papa Massata Diack par des mandats d’arrêts internationaux.

– Moscou-Dakar –

L’affaire avait généré un séisme dans le sport international, des enquêtes ultérieures ayant dévoilé un système de dopage institutionnel en Russie, qui risque d’être bannie des prochains JO d’été à Tokyo, programmés en 2021.

Pendant deux heures lundi matin, la présidente de la 32e chambre correctionnelle Rose-Marie Hunault, a détaillé le dossier, plongeant dans l’histoire récente de l’antidopage, et la naissance au début des années 2010 du passeport biologique, qui permet de déceler des variations suspectes des paramètres sanguins chez un athlète.

Cet outil avait permis de resserrer l’étau sur la Russie. En novembre 2011, une liste de 23 athlètes suspects de dopage à l’EPO est établie. Mais au siège de l’IAAF à Monaco, les dossiers disciplinaires vont traîner en longueur, permettant à plusieurs athlètes de participer aux JO de Londres-2012.

Lamine Diack a reconnu que les sanctions avaient été échelonnées pour éviter de plomber l’image de la Russie et favoriser les négociations sur les droits télé et les sponsors en vue des Mondiaux-2013 à Moscou. Alors qu’il avait des contacts avec le Kremlin, il a aussi concédé qu’il avait obtenu 1,5 million de dollars de la Russie pour faire campagne à la présidentielle sénégalaise de 2012 contre le sortant Abdoulaye Wade, finalement battu par Macky Sall.

Mais ses avocats font valoir que les athlètes russes ont finalement été sanctionnés (la plupart en 2014) et que leur client voulait d’abord sauver l’IAAF de la faillite. « Le parquet a voulu installer un univers de corruption (…) par des rapprochements intellectuels » et « chronologiques », a dénoncé Me William Bourdon, promettant que Lamine Diack s’expliquerait sur les flux financiers.

L’affaire a vu le jour car la marathonienne Liliya Shobukhova, finalement suspendue, a demandé un remboursement à ses maîtres chanteurs. Un virement de 300.000 euros à son profit a permis de remonter jusqu’à Papa Massata Diack. Sur le banc des parties civiles figure l’une de ses anciennes adversaires, l’ancienne championne d’Europe 2014 du marathon, la Française Christelle Daunay, qui réclame que son préjudice, celui d’avoir subi la concurrence d’une athlète dopée, soit réparé.

Les noms de plusieurs autres athlètes russes et des sommes apparaissent sur des notes saisies chez Habib Cissé, laissant supposer qu’ils ont payé pour bénéficier d’une protection. Au total, la justice soupçonne les prévenus, à l’exception de Gabriel Dollé, d’avoir soutiré 3,45 millions d’euros à des sportifs, mais la trace des fonds n’a pas été retrouvée, sauf le virement à Shobukhova.

Lamine Diack est aussi jugé pour avoir permis à son fils de s’approprier plusieurs millions d’euros dans les négociations avec les sponsors, soit en imposant ses sociétés comme intermédiaires, soit en s’attribuant des commissions « exorbitantes ». La fédération internationale, partie civile, réclame 24,6 millions d’euros de dommages et intérêts aux prévenus sur ce volet, sur un préjudice total qu’elle estime à 41 M EUR.

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