samedi, novembre 23, 2024
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Psychose et phobies vident les restaurants chinois de Belleville

« Et tes nouilles, elles sont au Coronavirus ? », lance taquine à un commerçant chinois une habitante de Belleville, quartier très animé du nord de Paris où se succèdent restaurants de soupes fumantes, herboristeries traditionnelles et supermarchés asiatiques. Tous à moitié vide depuis le début de l’épidémie.

« J’ai bien un marchand de fruits et légumes chinois que j’aime bien, alors j’y vais. Mais je n’achète pas le reste. C’est bête, je sais, mais la peur des maladies c’est comme ça, c’est irraisonné », reconnait l’alpagueuse, Muriel Lambert, thérapeute à la retraite.

Les commerces chinois de Belleville à Paris se disent frappés de plein fouet par les phobies de leur clientèle occidentale, liées à l’hypothèse d’une contamination au Coronavirus, pourtant impossible par la seule nourriture.

Mais plus surprenant, ils disent devoir faire d’abord face à la psychose de leur propre communauté.

« Les Chinois se mettent en quarantaine, ils ne sortent plus, ils s’enferment chez eux, ils subissent les informations venues de Chine, les histoires d’amis et de familles confinés et ils s’imposent ça à eux-mêmes, sans raison », explique le restaurateur Alexandre Xu.

Son établissement est connu pour être le temple du « baozi », ces brioches moelleuses fourrées à la viande et aux légumes, une spécialité de Wenzhou.

Cette ville portuaire, proche de Shanghaï, est devenue depuis dimanche le deuxième foyer principal de l’épidémie de Coronavirus en Chine.

– 30% de chiffre d’affaires en moins –

« J’ai une perte d’au moins 30% du chiffre d’affaires, midi et soir. Il y a pas que chez moi, tout le quartier de Belleville est touché », déplore le restaurateur qui a le temps d’aller à la piscine entre deux services, quand d’habitude le défilé de clients pour les brioches à emporter est incessant.

A la pâtisserie familiale de Chenwei Liu, les cartons de pâte de haricots, de sablés à la ciboule et de nougat au sésame s’empilent. Avec l’annulation des festivités du Nouvel an, pourtant voulue par la communauté elle-même qui n’avait pas « le cœur à la fête », la baisse des commandes est nette.

« Il y a des personnes âgées qui ne savent pas lire, qui ne regardent pas les infos et qui n’entendent que les rumeurs », s’énerve Chenwei Liu, livreur. La semaine dernière, la rumeur a frappé une famille du quartier qui revenait tout juste de Chine et que les habitants ont pensé, à tort, contaminée au coronavirus.

En France, il n’y a pas pourtant aucun signe d’épidémie du nouveau coronavirus. Pas de chaîne de transmission: le virus « ne circule pas » et les six cas confirmés sur le territoire français « sont stables », a tenu à rassurer lundi le directeur général de la Santé Jérôme Salomon.

A la pharmacie de Pascale Bui, les masques de protection, portés en nombre dans le quartier de Belleville, sont épuisés depuis le 25 janvier. Ce qui ne l’empêche pas de recevoir jusqu’à une quarantaine de demandes par jour, « la plupart de la communauté asiatique, pour envoyer au pays ».

Un homme s’est ainsi présenté à son comptoir, au nom d’une organisation caritative chinoise. Il cherchait à collecter 500.000 masques. « Oui oui, un demi-million! mais moi je lui ai répondu, +Monsieur c’est un paquet maximum par patient+ », s’amuse la pharmacienne d’origine vietnamienne.

– « Un peu triste » –

La factrice du quartier, devenue experte à la longue en noms de famille chinois, pousse son chariot de colis et distribue lettres et sourires aux commerçants.

« C’est vrai qu’on a beaucoup de paquets qui arrivent de Chine. J’ai un collègue qui n’a pas voulu les distribuer, moi je fais confiance », confie à l’AFP Corinne Pière, qui distribue le courrier à la communauté chinoise de Belleville depuis 30 ans.

Face à cette ambiance délétère, Weiming Shi, adjoint au maire du XXe arrondissement en charge du Commerce, rêve d’un sursaut. « La fréquentation a baissé à Belleville, les magasins sont pratiquement vides et c’est un peu triste, alors qu’il n’y a pas de risque de contagion », martèle l’élu.

Cet élu immigré, récemment pris de passion pour la politique, dit rêver pour la France d’une initiative similaire à celle lancée au Canada où les autorité ont appelé à « fêter le Nouvel an Chinois, à sortir chez les commerçants, à montrer sa solidarité ».

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