Les trois coups de la 16e édition du festival de théâtre de Brazzaville ont été frappés ce week-end sous le signe du « dynamisme de la jeunesse » et de la proximité avec les publics pour cette manifestation qui se déroule jusqu’au 22 décembre dans la capitale congolaise.
Lancé en 2003, « Mantsina » accueille des troupes des deux Congos, de France, de Suisse et du Benin.
Au pays d’origine d’écrivains confirmés (Alain Mabanckou, Henri Lopes), « Mantsina sur scène » fait la part belle à la richesse littéraire du Congo-Brazzaville, avec des textes de Sony Labou Tansi, Emmanuel Dongala et Mambou Aimée Gnali.
Jeunesse, proximité, qualité littéraire: tel fut le cocktail de la soirée d’ouverture samedi avec une représentation dans un quartier populaire (Makelekele) de « L’or des femmes », adapté du roman de Mambou Aimée Gnali, ancienne ministre de la Culture éditée chez la prestigieuse maison française Gallimard.
Dans une simple cour, sous quelques projecteurs arrangés jusqu’au dernier moment, à portée d’éclats de rire d’une rimbambelle de gamins assis en tailleur, une demi-douzaine de comédiens ont donné corps à cette variation congolaise sur le thème du conflit des générations.
C’est l’histoire du choc des traditions et des pulsions individualistes et érotiques. Au village, la belle Bouhoussou voudrait bien répondre aux avances du beau Mavangou, mais ses proches ont arrangé son mariage avec un homme mûr, polygame et riche.
– Jeunesse désorientée –
Les enfants rigolent de bon coeur au climax de la pièce quand la jeune femme commence à déshabiller son prétendant. « Le public est plus proche de l’acteur qui joue. Comme si nous étions à la maison et que nous nous parlions », se félicite le metteur en scène, Jehf Biyéri.
« Comme disait Sony Labou Tansi, pour faire du théâtre en Afrique, il faut boxer la situation. Boxons la situation tout le temps! On y arrive, malgré le manque de subventions », explique la directrice de Mantsina, Sylvie Dyclo-Pomos.
Les organisateurs alternent les représentations dans cette cour, qui est le siège de l’association, un restaurant, et le cadre bien plus convetionnel de l’Institut français, sous le thème du « dynamisme de la jeunesse ».
« Aujourd’hui la jeunesse est désorientée. C’est la violence dans les quartiers », déclare la directrice.
« Nous voulons une jeunesse dynamique et consciente. Nous voulons former les jeunes dans l’art », ajoute-t-elle, référece aux ateliers de formation qui accompagnent le rendez-vous.
Le festival a démarré en 2003 dans un pays qui se relevait de violents conflits dans les années 90.
« Nous étions une nouvelle génération, la première qui avait décidé de faire du théâtre son métier », se rappelle le premier directeur, Jean-Félhyt Kimbirima
Tous les thèmes sont abordés, avec prudence et parfois ce qu’il faut d’auto-censure dans le pays dirigé par le même homme depuis 1979 (avec une parenthèse entre 1992 et 1997).
« Des raisons politiques, je ne sais pas », élude prudemment la directrice sur les difficultés qu’il faut « boxer » pour faire du théâtre au Congo. « J’ai écrit une pièce sur les +disparus du Beach+ (ndlr: 353 opposants au président Denis Sassou Nguessso disparus à leur retour d’exil en 1999 au port de Brazzaville) », revendique l’auteure de « La colère de Janus ».