La mobilisation contre Ebola se poursuit en République démocratique du Congo où le ministre de la Santé a mis en garde les hommes d’Eglise et les ONG au lendemain de la décision de l’Organisation mondiale de la santé d’élever la fièvre hémorragique au rang d' »urgence de santé publique de portée internationale ».
Le ministre Oly Ilunga a demandé jeudi aux pasteurs et aux prêtres d’adopter un « comportement responsable » face à l’épidémie et de la « transparence » aux ONG en mal d’argent maintenant qu’Ebola est une priorité mondiale de l’OMS.
« Ebola est une réalité, Ebola n’a rien de surnaturel, Ebola n’a rien de paranormal », a lancé le ministre, lui-même médecin, lors d’une conférence de presse à Goma au lendemain de la décision de l’OMS.
Un pasteur est décédé lundi après avoir été le premier cas d’Ebola diagnostiqué à Goma, grande ville d’un million d’habitants à la frontière du Rwanda.
« Je rappelle également que le cas (d’Ebola) de l’Ouganda est également une famille d’un pasteur », a-t-il ajouté, référence aux deux premiers cas transfrontaliers enregistés dans le pays voisin mi-juin, deux enfants qui sont décédés.
Le ministre, qui a longtemps exercé en Belgique, a suggéré aux pasteurs des Eglises de réveil d’arrêter de toucher leurs fidèles pendant les cultes.
En colère contre le patient de Goma qui a voyagé alors qu’il présentait des symptômes de la maladie, le ministre avait averti : « Le gouvernement va envisager quelles sont les mesures à prendre pour éviter que ces groupes à haut risque continuent à propager l’épidémie dans la région ».
Le ministe a détaillé son exigence de « transparence » envers les ONG et partenaires impliqués dans la riposte anti-Ebola (Unicef, MSF, Oxfam…). « Le danger à ce stade-ci c’est que plusieurs pays donateurs choisissent de donner directement certains fonds à certaines agences, à certains acteurs ».
La décision de l’OMS n’a aucun impact à Goma (est) où les deux postes-frontières avec le Rwanda étaient ouverts jeudi, a rapporté un correspondant de l’AFP.
Lavage des mains à l’eau chlorée et prise de température: les mesures de prévention sont les mêmes que depuis le début de l’épidémie le 1er août dernier.
Au Rwanda voisin, le ministère de la Santé « exige de la population qu’elle garde son calme puisqu’aucun cas d’Ebola n’a été enregistré jusqu’à présent ». Kigali a répété ses consignes à commencer par « éviter tout voyage non nécessaire dans les zones affectées par l’épidémie d’Ebola ».
A Goma, les autorités sanitaires affirment que « tous les contacts » du pasteur « ont été retrouvés en moins de 72 heures, y compris le chauffeur de taxi-moto qu’il avait utilisé pour se rendre au centre de santé ».
Le rythme de l’épidémie ne faiblit pas. Ces derniers jours, le virus a tué dix personnes dans la province du Nord-Kivu, ce qui porte le bilan total à 1.698 décès depuis le 1er août 2018, selon le dernier bulletin du ministère de la Santé. Parmi eux, 41 agents de santé.
Huit des dix derniers décès ont été enregistrés à Beni, le principal foyer de l’épidémie avec Butembo-Katwa, à 50 km plus au sud.
Il y a aussi « 374 cas suspects en cours d’investigation » et « 10 nouveaux cas confirmés », ajoute le ministère dans son point sur la situation à la date du 16 juillet.
Il y a eu 717 personnes guéries et la vaccination de 164.757 habitants a permis d’éviter des milliers de morts, selon le ministre de la Santé.
« Redoubler d’efforts »
Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a demandé à la communauté internationale de « redoubler d’efforts »: « Nous avons besoin de travailler ensemble avec la RDC pour en finir avec cette épidémie et construire un meilleur système de santé ».
Les Etats-Unis se présentent comme le premier contributeur, via USAID avec 98 millions de dollars, a indiqué leur ambassade à Kinshasa. L’administrateur d’USAID, Mark Green, promet « d’adapter » leur réponse mais souligne que « d’autres donneurs doivent s’y mettre ».
La France a été montrée du doigt pour son absence d’engagement financier contre Ebola en RDC, théoriquement le plus grand pays francophone au monde avec ses quelque 80 millions d’habitants. Paris a réagi en nommant un « envoyé spécial ».
M. Ilunga a fait savoir qu’il « acceptait » la décision des experts de l’OMS, avec une mise en garde envers les ONG pour qui « urgence sanitaire internationale » signifie nouvelles subventions.
« Nous espérons qu’il y aura une plus grande transparence des acteurs humanitaires par rapport à leur utilisation des fonds pour répondre à cette épidémie d’Ebola », écrit-il dans un communiqué.