En 2007, à Ndjamena (Tchad), les Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC) affichaient leur détermination de prendre le train de la Révolution numérique. Et le projet CAB (Central African Backbone) prenait corps et recevait la mission de réaliser ce dessein. Quelles sont les missions qui ont été assignées à ce projet ?
À l’origine, sa mission était de construire un réseau en fibre optique reliant tous les pays de l’Afrique Centrale. Par la suite, en partenariat avec les bailleurs de Fonds que sont la Banque mondiale et la Banque Africaine de développement, le périmètre s’est progressivement étendu à d’autres activités liées à l’économie numérique que ce soit dans la construction d’infrastructures, que le renforcement de capacité pour les institutions locales.
Le projet CAB n’a été opérationnel qu’en 2011, qu’est ce qui justifie ce retard dans la mise en œuvre dudit projet ?
Au début, il n’y avait qu’une idée, un concept. Et il a fallu le formaliser. Les tâches étaient nombreuses : recruter le personnel ; négocier les accords de financement ; faire ratifier ces accords par le parlement, puis synchroniser les agendas entre les différents pays. Cela a pris du temps. Mais aujourd’hui, lorsque nous lançons un nouveau projet, il se passe moins de 2 ans entre la conception et la mise en vigueur.
La 1ère phase qui a été bouclée a consisté en l’interconnexion du Congo au Gabon. Pouvez-vous faire le point sur l’exécution de cette phase, surtout sur sa gestion financière ?
Cette interconnexion a consisté à relier le Congo à partir de Pointe-Noire jusqu’à la frontière du Gabon en passant par Dolisie, Makabana et Mossendjo sur 504 km. La construction incluant les travaux de génie civil et sa supervision, la pose de la fibre optique et des équipements de télécommunication ont coûté près de 13 milliards de FCFA et il n’y a eu aucun dépassement de budget ni avenant à impact financier.
A quelle étape se trouve actuellement l’interconnexion de la 2ème phase?
Cette deuxième phase est divisée en trois parties: les travaux de génie civil terrestre entre le Congo et le Cameroun (lot 1), la pose des équipements actifs (lot 3) ainsi que les travaux de génie civil sous fluvial entre le Congo et la RCA (lot 2). En ce qui concerne les deux premières parties, les opérations de passation de marchés sont terminées et les contrats signés. Les travaux commenceront dans le courant du 3ème trimestre de cette année.
Les travaux entre le Congo et la RCA sont encore assujettis à un accord de financement bilatéral. Bien que le fournisseur ait été sélectionné, le contrat n’a pas encore été signé.
La 2ème phase du projet CAB prévoit, outre l’interconnexion, la construction du Data center, l’appui à l’Universitaire Marien Ngouabi, et bien d’autres. Mais nous constatons que cet autrement démembrement de la 2ème phase peine à démarrer. Qu’est ce qui pourrait bien expliquer cela ?
S’agissant du Data center, nous travaillons avec le Ministère des Affaires Foncières, afin de trouver un terrain correspondant aux critères nécessaires pour la construction et l’exploitation du centre de données. Tant que ce terrain n’aura pas été mis à la disposition du Projet, rien ne peut se faire et les études qui avaient commencé fin 2018 ont été suspendues jusqu’à présent.
Quant à l’appui à l’UMNG, il dépend du paiement de la contrepartie financière de l’Etat congolais qui n’a pas encore été versée. Il est possible que dans les prochains mois, une restructuration du Projet et un ré-alignement de ses objectifs soit nécessaire.
Il y a eu plus de 24 soumissionnaires pourquoi le marché a-t-il été attribué aux sociétés CCSI, pour la construction des deux réseaux et Huawei, pour l’équipement ?
Trois (3) appels d’offre ont été lancés. Notre processus de passation de marché est clair, transparent et connu de tous. Il a été scrupuleusement suivi.
CCSI était, parmi tous, le soumissionnaire le moins disant financièrement sur le lot 1. Et dans la mesure où cette société avait été jugée techniquement acceptable, c’est à elle que le marché a été attribué. Sur le lot 2, CCSI a été la seule société soumissionnaire. Après revue de ses performances techniques et évaluation de son offre financière, elle a été retenue.
Enfin, nous avions deux pour le lot 3: les sociétés Huawei et ZTE. La proposition technique de ZTE n’a pas été jugée acceptable par la commission d’évaluation. Ce qui a été accepté par ZTE. Huawei a donc gagné le marché.
Est-ce que techniquement tout est prêt pour le début effectif des travaux ? Quelle est la nature des travaux à réaliser sur chaque réseau ?
Rien n’est prêt (rires) ! Nous avons terminé les études, conduit un survey sur le terrain et déterminé les spécifications des deux réseaux. Mais le matériel, les équipements et toutes les équipes ne sont pas encore présentes sur place. Il faut environ trois mois pour fabriquer la fibre optique ou les équipements télécom qu’on ne trouve pas sur les étagères d’un magasin. C’est du sur-mesure. Ensuite, le transport prend 45 jours. Ce ne sont malheureusement pas des articles fabriqués sur place. Nous devrions commencer les travaux en août.
Comment se fera le suivi, l’évaluation et le contrôle de la qualité des travaux que vont réaliser les sociétés adjudicataires ?
Cela se fera à deux niveaux. Au niveau du Projet CAB lui-même dont c’est justement la vocation. Coordonner, superviser et contrôler les réalisations opérées par les sociétés adjudicataires. Au-delà du Coordonnateur que je suis, nous disposons d’une cellule technique spécialisée dans les infrastructures en fibre optique ainsi que de départements de Suivis financiers, opérationnels et Évaluation. Ensuite, pour une activité d’une telle envergure, nous recrutons un cabinet ou un groupement très expérimenté dans la supervision des travaux, ainsi que sur les aspects environnementaux et sociaux. Le contrôleur supervisera les travaux. Le CAB supervisera les travaux et le contrôleur. Et le Comité de Pilotage du Projet supervisera l’Unité de Coordination du Projet.
De plus, la BAD conduira également plusieurs missions d’évaluation à sa discrétion.
Est-ce que les études d’impacts environnementales ont été faites dans les zones dans laquelle la fibre optique va passer ?
Oui ! C’est la condition sine qua none. Aucun projet de construction d’infrastructure de cette ampleur ne peut être lancé sans au préalable une étude d’impact environnementale et sociale devant générer un Plan d’action complet et précis visant à limiter, compenser ou mieux annuler les impacts sur l’environnement et les populations.
Propos recueillis par Wilfrid LAWILLA, paru dans le Diasporas-News n°106 Mai 2019