Derrière le mur d’enceinte, une semi-remorque déverse son lot de déchets industriels. Qui repartiront sous forme de lingots ou de grenaille d’or fin: l’usine allemande Agosi est une des rares en Europe à retraiter à grande échelle les métaux précieux, pour la joaillerie notamment.
« A 38 euros le gramme, l’or est tout sauf une matière première comme les autres »: Arnaud S., qui ne donne pas son nom pour des raisons de sécurité, est responsable des produits semi-finis sur ce site implanté à Pforzheim, haut-lieu de l’orfèvrerie allemande aux portes de la Forêt Noire.
Dans un coin du bâtiment sous haute surveillance qui surplombe la rivière Enz – où le fondeur-affineur Agosi s’est installé il y a 128 ans – un ouvrier s’affaire autour d’un tas de ferraille.
« Des déchets de ce type contiennent parfois moins de 0,1% d’or. Ils vont être compactés et brûlés plusieurs heures dans d’immenses fours, puis fondus en plaques qui subiront une électrolyse d’une semaine pour détacher les métaux précieux », explique à l’AFP Stephan S., responsable de l’affinage.
Chaque année, plusieurs milliers de tonnes de rebuts industriels atterrissent ici: restes de production de l’industrie automobile, catalyseurs, placages, composants électriques (les métaux précieux favorisant la conductivité, NDLR), cablage électronique ou encore bandes métalliques servant au façonnage de pièces diverses – tous d’une faible teneur en or.
En parallèle, Agosi – qui appartient au géant belge de production de métaux Umicore – recycle des matériaux plus « nobles » provenant d’ateliers de joaillerie, comme de vieux bijoux ou des pièces de monnaie, ainsi que de la limaille d’or et des copeaux issus du façonnage de bagues par exemple.
Sans oublier le papier de verre ayant servi à polir les bijoux, les vêtements et gants portés par les artisans travaillant l’or, et même les « balayures » des ateliers, soit de la poussière mélangée à de minuscules débris de métal précieux qui est amenée dans des sacs d’aspirateur.
– Des joailliers aux « survivalistes » –
Cumulés, ces résidus plus ou moins concentrés donneront au final « plusieurs dizaines de tonnes d’or affinées chaque année » dans l’usine, indique Agosi.
Bain d’électrolyse, mais aussi incinération, fusion ou précipitation à l’acide: les techniques d’extraction puis d’affinage varient selon la nature de chaque lot de rebuts.
L’étape la plus impressionnante demeure celle de l’ultime fonte: de la poudre d’or fin à 99,99% est portée à 1.200 degrés, puis le liquide en fusion est versé soit dans une « lingotière » pour couler un lingot, soit dans un creuset percé de trous.
Au contact d’un bassin d’eau froide placé sous cette « passoire », les gouttes d’or se transforment en petites pépites, très denses au toucher.
« Elles peuvent ensuite être refondues pour fabriquer différents alliages d’or blanc ou rose après l’ajout d’argent ou de cuivre, et servent également à faire des tubes, plaques ou rondelles d’or pour la joaillerie », explique Arnaud S.
Dans l’énorme coffre-fort attenant aux ateliers, des bacs remplis de grenaille de métal précieux côtoient de gros rouleaux d’or de 30 kg, posés à même le sol. Plus loin, un chariot croule presque sous des dizaines de lingots en train d’être emballés.
« Leur poids varie beaucoup selon les demandes des clients. Là, on a des mini-lingots de 50 grammes » – de la taille d’un carré de chocolat, pour un prix d’environ 1.900 euros – « et ce lingot-là par exemple pèse 12,7 kilos », soit une valeur marchande de près de… 500.000 euros, sourit Arnaud S. en soulevant cette masse difficile à tenir en mains.
Agosi – premier affineur-fondeur allemand à avoir obtenu la certification « RJC Chain of Custody », soit la plus stricte dans le milieu en termes de traçabilité – met en avant un or « responsable », retraité grâce à un processus « qui boucle la boucle » et « respecte parfaitement l’environnement ».
Les clients de cet or recyclé? Des joailliers pour une bonne moitié, puis des banques et des comptoirs d’or qui vont revendre à des collectionneurs… et aussi des « survivalistes », détaille Arnaud S.: « Ces personnes achètent des lingots pour stocker. Elles ont peur de la fin du monde et pensent que l’or sera l’ultime valeur d’échange ».
afp