Pari osé et controversé d’Emmanuel Macron, Sibeth Ndiaye est réputée pour son franc parler et son langage parfois fleuri. Lundi, pour ses premiers pas comme porte-parole du gouvernement, elle s’est évertuée à adoucir son style, promettant d’être « à l’écoute » des Français.
Sa nomination surprise dimanche soir a fait sensation, tant la native de Dakar, 39 ans, est atypique, par son parcours comme pour sa personnalité.
Lundi matin, sa passation de pouvoir avec Benjamin Griveaux, son compagnon d’armes chez les « Mormons », ce petit groupe de trentenaires qui ont accompagné le chef de l’Etat dans sa conquête du pouvoir, avait des allures presque intimes.
« Ensemble, nous avons refait maintes fois le monde », lui a dit Benjamin Griveaux, qui démissionne pour briguer la mairie de Paris.
« Comme me l’a dit un ami cher, très cher, je m’apprête aujourd’hui à franchir une marche. Je n’ignore pas qu’elle est haute », a-t-elle répondu. Une allusion qui semblait évoquer Emmanuel Macron, leur mentor.
Dans l’une de ces robes à fleurs devenues sa marque de fabrique, Sibeth Ndiaye, émue par la solennité du moment, s’est laissée aller à évoquer son pays natal, parant d’avance toute critique sur son origine étrangère.
« C’est au Sénégal, dans mon enfance, que j’ai cherché les paroles » pour gravir cette marche. « Là où tu es, tu es à ta place », a-t-elle dit, citant ses parents, — une mère présidente du Conseil Constitutionnel du Sénégal et un père député et numéro 2 du principal parti d’opposition. « La France m’a beaucoup donné. Aujourd’hui c’est à mon tour de lui rendre ».
Dans « ce pays que je me suis choisi », a ajouté Mme Ndiaye, naturalisée en juin 2016, « avant même d’être Française, j’ai compté parmi les engagés de ce pays ». Une référence à son passé de militante de gauche en Seine Saint-Denis.
« Ce ministère, qui bien souvent est considéré comme celui de la parole, je veux d’abord qu’il soit celui de l’écoute », a-t-elle affirmé, disant vouloir qu’il soit « ouvert » aux Français.
Pourtant à l’Elysée, elle a combattu pour une communication de verrouillage. Barrant au maximum tout échange informel du président avec la presse, elle a surveillé étroitement les expressions des conseillers mais aussi des ministres, exigeant souvent de relire leurs interviews avant publication.
– Provocatrice –
C’est une revanche éclatante et une sortie par le haut pour celle qu’on disait partante de l’Elysée, en raison de choix de communication contestés, de ses relations très tendues avec la presse et de la chute du président dans les sondages.
Le porte-parole du gouvernement est d’abord celui du président: lors de chaque compte-rendu du Conseil des ministres, « le » rendez-vous hebdomadaire de l’exécutif devant la presse, il commence toujours par citer le propos introductif du chef de l’Etat. D’où le choix d’Emmanuel Macron pour des très proches: Christophe Castaner, Benjamin Griveaux et désormais Sibeth Ndiaye.
Avec son langage cru, ses coups de gueule, son habitude du franglais — elle a ainsi tweeté sa fierté de nouveau « job » — la trentenaire, seule femme d’origine africaine dans l’entourage du chef de l’Etat et désormais du gouvernement, va trancher par sa personnalité hors du commun.
Partisane d’un communication de combat, voire provocatrice, adepte des réseaux sociaux plutôt que des médias traditionnels, c’est elle qui avait posté sur son compte Twitter la vidéo sur le « pognon de dingue » que, selon Emmanuel Macron, coûtent les aides sociales. Elle avait qualifié Simone Veil de « meuf » dans un texto à un journaliste, quelques heures après sa mort. Et elle s’était dite prête à « mentir » pour protéger le président.
L’opposition multiplie les critiques depuis dimanche soir. Pour Eric Ciotti (LR), « être porte-parole du gouvernement n’est pas un simple job, c’est une mission au service de l’Etat. Visiblement on ne peut pas en espérer autant d’une femme qui assume mentir à la presse ».
Adrien Quatennens, député LFI, estime que le remaniement est « un aveu d’isolement pour le président » autour d’une « petite base usée ». Le numéro un du PCF, Fabien Roussel, sur BFM: « quand j’ai découvert ça, j’ai cru à un poisson d’avril ».
afp