Pionnière autant dans ses recherches universitaires que dans ses responsabilités politiques: Ramata Ly-Bakayoko, ministre de la Femme et première ivoirienne à l’Académie des sciences d’outre-mer de Paris, a largement contribué au développement de la recherche en Côte d’Ivoire.
Professeur titulaire des universités, Mme Ly-Bakayoko est la première Ivoirienne à être admise en 2018 membre de cette institution dont les activités s’étendent en Afrique, Amérique latine, Asie et Océanie.
« C’est une reconnaissance de mes travaux universitaires et des résultats de mes recherches qui ont prévalu à mon admission », explique à l’AFP cette scientifique de 64 ans dont plus de la moitié de la vie professionnelle a été consacrée au monde universitaire et de la recherche.
Professeur titulaire en odonto-stomatologie pédiatrique (qui prend en charge la santé buccodentaire de l’enfant de la naissance jusqu’à l’âge de 15 ans), elle est la première femme ivoirienne à diriger des recherches sur les pathologies buccodentaires en Afrique.
Sa carrière administrative commence en 1996, lorsqu’intervient la réforme de l’enseignement supérieur en Côte d’ivoire.
Elle est nommée vice-présidente de l’université de Cocody en charge de la coordination des enseignements, de la recherche et de la vie universitaire, « un grand département et une grande confiance placée en moi, en tant que femme ».
La Pr Ly-Bakayoko poursuit son ascension en étant nommée de 2012 à 2016, première femme présidente de l’université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, la principale de Côte d’Ivoire, où elle gère 60.000 étudiants et 2.300 professeurs.
Dans cet établissement du public, réputé frondeur, elle a réussi à canaliser les grèves intempestives pendant son administration.
« C’est parce que je connais la maison et que j’étais une mère pour tous, étudiants et enseignants compris », estime-t-elle humblement.
Cependant, le plus grand défi de cette scientifique discrète, filiforme, toujours sanglée dans son ensemble en pagne, c’est d’avoir créé le Pôle Scientifique et d’Innovation de l’Université Félix Houphouët-Boigny, une mini-Silicon Valley.
– ‘Relever ce défi’ –
« On entendait souvent dire les chercheurs qui cherchent, il y en a en Côte d’Ivoire, mais pas les chercheurs qui trouvent. Il fallait relever ce défi », raconte-t-elle.
Doté de deux laboratoires de pointe, ce pôle situé à Bingerville, près d’Abidjan, abrite le programme West African Virus Epidemiology (WAVE), axé sur la sécurité alimentaire et financé par la Fondation Bill et Melinda Gates et le Département pour le développement international du Royaume-Uni à hauteur de plus de 7 millions de dollars.
« C’est la mère de Wave », lance le Dr Justin Pita, directeur exécutif du programme mis en place dans sept pays (Côte d’ivoire, Ghana, Bénin, Togo, Nigeria, Burkina Faso, République démocratique du Congo) pour combattre la maladie du manioc, un tubercule qui entre dans le bol de 80% des 180 millions d’habitants du Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique.
Une unité de production de biopesticide qui pourrait aider aux cultures vivrières a également été créée au sein de ce pôle qui valorise le travail des chercheurs ivoiriens.
« Comme si c’était pour m’encourager à poursuivre le travail », le Pr ly-Bakayoko a été nommée ministre de la recherche scientifique. Encore pionnière, elle est la première femme à occuper ce poste de 2016 à 2018.
Actuellement ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, elle salue les résultats de la « recherche au service de la population » en Côte d’Ivoire où « les femmes représentent 67% de la main d’oeuvre agricole et assure 60 à 80% de la production alimentaire ».
Enfin, la scientifique qui se dit « surprise d’être ministre », souhaite « que (son) parcours serve d’exemple aux jeunes filles. Qu’elles aillent au delà, qu’elles aient le courage et la persévérance ».
Un message qu’elle pourrait faire passer le 8 mars, lors la journée internationale de la femme qui sera célébrée à Bouaké (deuxième ville du pays).
« J’ai toujours voulu être médecin. Mais je n’ai jamais rêvé d’être ministre », affirme l’universitaire, reconnaissant toutefois « que son parcours de pionnière l’y a beaucoup aidé ».