Le tribunal de Tokyo a annoncé mardi qu’il acceptait la mise en liberté sous caution de Carlos Ghosn, mais le procureur a aussitôt fait appel pour que soit maintenu en détention l’ancien PDG des constructeurs automobiles Nissan et Renault.
Un deuxième juge va examiner cet appel et son avis devrait être rendu rapidement.
Cependant, compte tenu de l’horaire des banques (fermées à 15H00 locales, 06H00 GMT), « même si la libération est confirmée en appel, on ne pourra pas rassembler l’argent de la caution aujourd’hui », ce qui reporte son éventuelle libération à mercredi, a précisé aux médias son avocat, Junichiro Hironaka.
Le montant de la caution a été fixé à un milliard de yens (8 millions d’euros).
En théorie, le bureau du procureur a encore la possibilité de l’arrêter à nouveau sur d’autres chefs d’accusation.
Avant même que M. Ghosn ne soit certain de sortir, l’avocat français de la famille, François Zimeray, s’est réjoui d’une décision qui « met fin a une détention qui était absolument cruelle et brutale », la qualifiant de « bonne surprise ».
Le tribunal a estimé mardi que le risque de fuite ou d’altération de preuves était faible, mais il a assorti son choix de conditions restrictives: obligation de résider au Japon, interdiction de quitter le pays même pour un bref séjour et dispositions pour éviter sa fuite et la destruction de preuves.
– « Procès équitable » –
Pour arracher l’approbation du juge, Me Hironaka, nouvel avocat de M. Ghosn qui a remplacé Motonari Otsuru, un ancien procureur, il y a moins d’un mois, a suggéré que son illustre client soit placé sous la surveillance de caméras et dispose de moyens limités de communication vers l’extérieur.
« Nous avons proposé un dispositif qui rend impossible une évasion ou la suppression d’informations », a insisté mardi le défenseur Hironaka, réputé pour avoir obtenu l’acquittement de plusieurs clients de haute volée.
L’homme d’affaires franco-libano-brésilien avait décidé de changer mi-février son équipe de défense japonaise, au moment d’aborder la phase de préparation de son procès, qui n’interviendra pas avant plusieurs mois.
« Je suis impatient de pouvoir me défendre, avec vigueur, et ce choix représente pour moi la première étape d’un processus visant non seulement à rétablir mon innocence, mais aussi à faire la lumière sur les circonstances qui ont conduit à mon injuste détention », avait alors dit Carlos Ghosn.
L’autorisation de libération sous caution, qui doit donc encore être confirmée, répond à une troisième demande de mise en liberté sous caution, les deux premières ayant été rejetées.
Carlos Ghosn avait été arrêté le 19 novembre à Tokyo et placé dans le centre de détention de Kosuge, dans le nord de la capitale, où il se trouve encore depuis plus de 100 jours.
Sa famille avait annoncé lundi avoir décidé de saisir les Nations unies, estimant que les « droits fondamentaux » de l’ancien dirigeant de Renault et Nissan n’étaient pas respectés.
« Je n’ai pas à interférer dans la justice du Japon », a pour sa part réagi la ministre de la Justice Nicole Belloubet, mardi sur CNews. « Je dirais simplement qu’il est important que Carlos Ghosn puisse avoir un procès équitable et si, étant libéré il est dans cette capacité-là, c’est heureux ».
– « Complot » –
Carlos Ghosn a été inculpé pour minoration d’une partie de ses revenus pour un montant de 9,23 milliards de yens (74 millions d’euros) de 2010 à 2018, dans les rapports de Nissan remis aux autorités boursières. Il a également été mis en examen pour abus de confiance.
Il avait dénoncé fin janvier, lors d’un entretien accordé à l’AFP, sa détention prolongée, un traitement qui « ne serait normal », selon lui, « dans aucune autre démocratie ».
Il estime avoir été victime d’un « complot » ourdi par Nissan pour faire échouer son projet de rapprochement avec Renault.
Nissan, à l’origine de l’enquête qui a conduit M. Ghosn en prison, a rapidement réagi.
« Nissan ne joue aucun rôle dans les décisions prises par les tribunaux ou les procureurs et n’est donc pas en position de commenter », a dit le groupe dans un message transmis aux médias.
« Les investigations menées en interne chez Nissan ont montré des conduites (de M. Ghosn) manifestement contraires à l’éthique (…) et d’autres faits continuent d’émerger », a ajouté le constructeur au chevet duquel était arrivé M. Ghosn en 1999 pour le sauver de la faillite.