Les perspectives de procès liés au génocide au Rwanda se multiplient en France: après un ancien chauffeur et un médecin, l’ex-préfet rwandais Laurent Bucyibaruta, accusé d’être impliqué dans les massacres de masse commis en 1994, est à son tour renvoyé devant les assises de Paris.
Le juge d’instruction Alexandre Baillon a ordonné le 24 décembre un procès aux assises pour ce fonctionnaire de la province de Gikongoro (sud), une des régions de ce pays d’Afrique où les massacres contre les Tutsi furent les plus violents.
Cet homme né en 1944, réfugié depuis 1997 en France où il est placé sous contrôle judiciaire, est soupçonné de s’être rendu complice d’actes de génocide et de crimes contre l’humanité entre avril et juillet 1994, période pendant laquelle les tueries ont fait environ 800.000 morts au Rwanda.
Dans son ordonnance, le juge du pôle crimes contre l’humanité du tribunal de Paris estime en particulier que l’ancien préfet s’est « rendu complice d’une pratique massive et systématique d’exécutions sommaires ».
Des tueries à l’encontre de personnes regroupées sur certains sites ainsi que de « personnes interpellées aux rondes et aux barrières, inspirés par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisée en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile, en l’espèce la population tutsi ».
Le magistrat a en revanche rendu à son égard un non-lieu partiel concernant notamment l’assassinat d’un gendarme et de trois prêtres, ainsi que des viols.
« Nous allons faire appel dans les jours qui viennent parce qu’il y a dans ce dossier un certain nombre d’éléments à décharge », a annoncé à l’AFP Ghislain Mabonga Monga, avocat de M. Bucyibaruta.
– « Avancées » sur le génocide rwandais –
« C’était une décision que nous attendions depuis très longtemps », a réagi de son côté Alain Gauthier, le président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), une association qui traque les génocidaires présumés. « Nous ne pouvons que nous en réjouir, d’autant plus qu’elle vient s’ajouter à d’autres avancées » dans le dossier du génocide rwandais, a-t-il poursuivi.
Cet ancien haut-responsable, qui avait quitté le Rwanda pour l’ex-Zaïre (aujourd’hui RDC) puis la Centrafrique avant de rejoindre la France – il habite dans la région de Troyes (Aube) – était visé depuis 2000 par une plainte déposée par les associations Survie et FIDH et des familles des victimes.
Il avait été un temps réclamé par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) qui l’accusait d’avoir ordonné aux Interahamwe (extrémistes hutu) qui étaient sous ses ordres de commettre plusieurs massacres contre les Tutsi.
Le TPIR s’était finalement dessaisi au profit des juridictions françaises. Mais en 2013, il s’était dit préoccupé par la lenteur de celles-ci dans le traitement de cette affaire.
Quelque 25 dossiers liés au génocide rwandais sont instruits au pôle « crimes contre l’humanité » du tribunal de Paris, créé en 2012 face à l’accumulation des plaintes, plusieurs auteurs présumés s’étant réfugiés en France.
À ce jour, leur travail a débouché sur deux grands procès: celui de Pascal Simbikangwa, condamné définitivement à 25 ans de prison pour génocide, et celui de deux anciens maires rwandais, dont la condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité a été confirmée en appel en juillet.
En novembre 2017, la justice française a ordonné un troisième procès aux assises, visant cette fois Claude Muhayimana, un Franco-Rwandais accusé de « complicité » de génocide pour avoir transporté des miliciens auteurs de massacres. La cour d’appel de Paris doit confirmer ou pas ce renvoi fin mars.
Et début décembre, le médecin rwandais Sosthène Munyemana, réfugié sur le territoire français depuis septembre 1994 et qui exerce depuis 17 ans comme urgentiste dans un hôpital de Villeneuve-sur-Lot (sud-ouest de la France), a été renvoyé devant les assises pour « génocide » et « crimes contre l’humanité ». Ses avocats avaient aussitôt annoncé leur intention de faire appel de cette décision.