L’opposition guinéenne a dénoncé mercredi une « tentative d’assassinat » ayant visé la veille son chef de file, Cellou Dalein Diallo, mettant en cause le régime du président Alpha Condé dans un climat de contestation sociale et politique persistant.
Ancien Premier ministre et principal opposant à Alpha Condé, Cellou Dalein Diallo se rendait mardi matin à une manifestation interdite pour protester contre la violation par le pouvoir, selon l’opposition, d’un accord conclu en août sur l’installation des élus locaux après le scrutin contesté du 4 février.
A environ un kilomètre de son domicile, le convoi du chef de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), principal parti d’opposition, a été bloqué par un barrage de véhicules des forces de l’ordre, a-t-il raconté à l’AFP.
Au milieu de la fumée, « les gendarmes ont visé et ont tiré. La balle est passée juste entre mon chauffeur –blessé par des éclats de verre– et moi », a-t-il poursuivi, montrant l’impact d’une balle au centre du pare-brise de sa voiture.
« On a voulu m’assassiner », assure M. Diallo, en visant le président Condé. « Je vous avais dit qu’il a ordonné de m’assassiner. Voilà la preuve la plus éloquente », a lancé l’homme politique.
Il a aussi affirmé avoir reçu la veille des informations le prévenant d’une tentative d’assassinat et lui conseillant de ne pas sortir, mais avoir pensé qu’il s’agissait d’une tentative « d’intimidation ». Il a assuré que les manifestations se poursuivraient.
– ‘A bout portant’ –
Mardi soir, la police de Conakry a affirmé que « les forces de sécurité condamnent et rejettent » ces accusations et demandé à l’opposition de prouver ses allégations.
« J’étais là lorsque notre voiture a été bloquée. Un membre des forces de l’ordre a tiré à bout portant », a affirmé le président du Bloc Libéral (BL), Faya Millimouno, qui se trouvait à bord de la voiture.
« Cette balle aurait pu enlever la vie du chef de file de l’opposition ou ma vie. Il est clair que nous rentrons dans un Etat voyou, où le président de la république, le gouvernement, peut ordonner l’assassinat de qui que ce soit », a accusé M. Millimouno.
Ancien opposant historique, le président Alpha Condé est le premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française d’Afrique de l’Ouest, régie jusqu’alors par des pouvoirs autoritaires, voire dictatoriaux, qui a fêté fin septembre les 60 ans de son indépendance.
Malgré la richesse de son sous-sol, plus de la moitié de la population de Guinée vit sous le seuil de pauvreté, avec moins d’un euro par jour, selon l’ONU.
Les enseignants ont relancé une grève début octobre pour réclamer une augmentation du salaire minimum, provoquant la colère des élèves et de leurs parents, qui craignent une « année blanche ».
L’opposition dénonce également l’autoritarisme du chef de l’Etat, illustré selon elle par l’éviction récente de l’ancien président de la Cour constitutionnelle, Kéléfa Sall, avec qui M. Condé était notoirement en froid, à deux ans de la présidentielle.
Et elle accuse les forces de l’ordre de faire un usage excessif de la force lors de ses manifestations politiques, estimant à près de 100 le nombre de manifestants tués depuis l’arrivée au pouvoir de M. Condé en 2010.
– ‘L’heure est grave’ –
Le procureur général de Conakry, Mamady Diawara, a annoncé mercredi l’ouverture d’une enquête afin de « situer les responsabilités éventuelles sur les dérapages intervenus lors de la marche » de mardi, au cours de laquelle un jeune apprenti plombier de 18 ans, Mamadou Samba Diallo, a par ailleurs été tué par « des soldats », selon sa famille.
Le procureur général n’a toutefois pas précisé si l’enquête viserait les manifestants qui ont lancé des pierres tout au long de la journée sur les forces de l’ordre, et dont une dizaine ont été interpellés selon la police, l’auteur du coup de feu contre le véhicule du chef de l’opposition ou les responsables de la mort de Mamadou Samba Diallo.
Un jeune homme avait déjà été tué par balle lors d’une manifestation de l’opposition la semaine dernière à Conakry.
« L’heure est grave ! », a en tout état de cause estimé Thierno Mamadou Bah, président du parti Nouvelle Génération pour le Changement (NGC), en « exigeant toute la lumière sur cette tentative d’assassinat ».