Le président Paul Biya, 85 ans dont 35 au pouvoir, a été réélu lundi pour un septième mandat avec 71,28% des suffrages, une victoire écrasante dans un scrutin où l’opposant Maurice Kamto arrive deuxième avec 14,23% des voix.
« Est élu président de la République, comme ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés, le candidat Biya Paul », a déclaré sous les hourras de l’assemblée le président du Conseil constitutionnel, Clément Atangana, dans une séance retransmise à la télévision d’Etat.
Vainqueur dans neuf des dix régions du Cameroun, M. Biya a littéralement écrasé ses adversaires avec des scores officiels sans appel: 92,91% dans le Sud, 89,21% dans l’Extrême-Nord, 81,62% dans le Nord…
Seule une région a échappé au raz-de-marée du président-candidat Biya: le Littoral, qui abrite la capitale économique, Douala, où Maurice Kamto a gagné avec 38,60% des suffrages. L’opposant a perdu dans l’Ouest, sa région d’origine, derrière M. Biya.
Dans les deux régions anglophones en conflit depuis un an, où des séparatistes armés combattent l’armée camerounaise pour leur indépendance, Paul Biya arrive largement en tête. Mais les taux de participation dans ces zones sont les plus faibles du pays: 5,36% dans le Nord-Ouest et 15,94% dans le Sud-Ouest.
Pour sa première participation à la présidentielle, Cabral Libii, l’un des plus jeunes candidats, est classé troisième avec 6,28%.
Il est suivi respectivement de Joshua Osih (3,35%), Adamou Ndam Njoya (1,73%), Garga Haman Adji (1,55%), Frankline Ndifor (0,67%), Serge Espoir Matomba et Akere Muna (0,35%), dont la candidature avait été retirée la veille du scrutin au profit de Maurice Kamto.
Depuis 1982, Paul Biya règne en maître absolu au Cameroun, où il a tout verrouillé pour assurer son maintien à la tête du pays, s’appuyant sur l’administration et sur un parti-Etat, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) qu’il a créé en 1985.
– Déploiement sécuritaire à Yaoundé –
L’annonce des résultats intervient deux semaines après le vote: au Cameroun, le Conseil constitutionnel étudie les recours post-électoraux avant de proclamer les résultats officiels quinze jours après le scrutin. Ils ne peuvent plus alors être contestés.
Lundi matin, un fort déploiement sécuritaire était visible à Yaoundé aux abords de la Poste centrale où certains avaient appelé sur les réseaux sociaux à manifester contre l’annonce des résultats.
Des camions anti-émeutes, des militaires et des dizaines de policiers étaient stationnés dans le quartier. Un SMS pour dissuader de manifester à cet endroit a aussi été reçu par des usagers des réseaux camerounais à Yaoundé.
Dimanche, une manifestation à Douala, souhaitée par un député de l’opposition pour « dénoncer les fraudes massives et honteuses » qui ont marqué le scrutin selon lui, avait été pareillement interdite et empêchée.
Une trentaine de personnes ont été arrêtées sur les lieux. « Les personnes qui ont voulu braver (l’interdiction de la marche) ont été interpellées et répondront de leurs actes devant la justice », a indiqué une source administrative.
Deux journalistes ont été brièvement interpellés et le député à l’initiative de la marche, Jean-Michel Nintcheu, du Social Democratic Front (SDF), le principal parti d’opposition, a été retenu chez lui par un déploiement policier, selon son parti.
– « Coups de feu à Buea » –
Lundi matin, quand commençait la proclamation des résultats de la présidentielle à Yaoundé, des coups de feu ont été entendus à Buea, la capitale de la région du Sud-Ouest, frappée depuis un an par un conflit meurtrier entre des séparatistes anglophones et l’armée, ont rapporté des témoins à l’AFP.
« On a entendu beaucoup de coups de feu ce matin », a déclaré un habitant de Buea. Les tirs provenaient des quartiers Mile16 et Great Soppo, qui ont déjà été le théâtre d’affrontements entre les séparatistes et l’armée dans le passé, selon un autre témoin.
Les coups de feu ont ensuite cessé.
Une source sécuritaire a démenti à l’AFP que des combats avaient eu lieu dans la ville lundi.
Dans les deux régions anglophones (Sud-Ouest et Nord-Ouest), l’armée avait été déployée en nombre pour combattre des groupes épars de séparatistes qui réclament l’indépendance des régions à majorité anglophone de ce pays majoritairement francophone.
Les affrontements entre l’armée et des séparatistes sont devenus quotidiens dans ces deux régions, et ont déjà forcé plus de 300.000 personnes à fuir leur domicile.
Avant d’entamer la proclamation des résultats, le Conseil constitutionnel avait étudié depuis mardi 18 recours post-électoraux, qu’il a tous rejetés.
Les trois principaux candidats de l’opposition – Maurice Kamto, Joshua Osih et Cabral Libii – avaient introduits des recours en annulation partielle ou totale du scrutin, dénonçant des « fraudes massives et systématiques ».