Le processus électoral en République démocratique du Congo aborde sa dernière ligne droite avec la publication mercredi de la liste définitive des candidats qui doit officialiser l’exclusion de deux poids lourds de l’opposition, Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba.
Deux autres opposants, Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe, et le « dauphin » du président Joseph Kabila, Emmanuel Ramazani Shadary, sont les principales figures de la liste d’une vingtaine de noms que la Commission électorale nationale indépendante (Céni) doit publier dans la journée, à 94 jours du scrutin.
Cette liste ouvre la voie à la campagne électorale (à partir du 22 novembre) puis aux élections présidentielle, législatives et provinciales prévues le 23 décembre pour désigner le successeur du président Kabila, qui ne pouvait pas constitutionnellement se représenter.
Enjeu: une première transition pacifique dans le plus grand pays d’Afrique sub-saharienne, où les défis politiques et logistiques pour des élections « crédibles, transparentes, apaisées » sont encore immenses.
Le calendrier électoral se déroule toujours au jour près, malgré les tensions suscitées par la mise à l’écart de MM. Katumbi et Bemba.
Allié du président Kabila passé à l’opposition fin 2015 et qui vit en exil à l’étranger depuis 2016, M. Katumbi affirme avoir été empêché de rentrer en RDC où il est poursuivi par la justice début août quand il s’est présenté au poste-frontière avec la Zambie.
Ex-chef rebelle et vice-président, la candidature de M. Bemba a été invalidée en raison de sa condamnation pour subornation de témoins par la Cour pénale internationale (CPI) qui l’avait acquitté de sa peine pour crimes de guerre et contre l’humanité.
« Kabila a eu peur de moi », a lancé M. Bemba.
Privée de deux de ses leaders, l’opposition cherche un candidat commun pour défier le « dauphin » du président Kabila, mais n’exclue pas le boycott des élections sur fond du refus de « machines à voter » controversées.
Jean-Pierre Bemba a résumé la situation en affirmant que « si l’opposition s’unit derrière un candidat, alors oui, je pourrai faire abstraction de ma personne. Je soutiendrai quelqu’un et je le ferai gagner ».
Un boycott des élections « ne serait pas ma décision personnelle, mais celle de l’opposition. Nous n’en sommes pas là », a ajouté le chef du Mouvement de Libération du Congo (MLC), l’un des principaux partis d’opposition.
– « Des actes qui rassurent » –
L’opposition en dira plus sur sa stratégie d’ici une réunion publique qu’elle annonce pour le 29 septembre à Kinshasa, après de récents conciliabules à Bruxelles, et une rencontre à Johannesburg avec le parti au pouvoir en Afrique du Sud, l’ANC.
Ce rassemblement sera un test sur le climat politique en RDC où la plupart des manifestations sont interdites sous prétexte que la campagne n’a pas encore commencé.
Les élections ont déjà été reportées deux fois, fin 2016 et fin 2017.
« Après avoir été roulé en décembre 2016 et 2017, le peuple craint de revivre les mêmes travers et les mêmes mésaventures qui éloignent l’alternance au sommet de l’État », écrivait mercredi le quotidien Le Potentiel, à l’unisson de ceux qui craignent un nouveau report.
« Chaque jour qui passe, la commission électorale pose des actes qui rassurent sur la tenue effective des scrutins tant attendus par l’ensemble du peuple congolais », a assuré au contraire mardi la Céni en annonçant l’arrivée d' »un premier lot de 17.944 isoloirs » et « la fin de la production en Corée du Sud des 105.257 machines à voter ».
Acheminées vers la RDC via Matadi ou Dar es Salaam, les machines « seront déployées sans attendre la configuration définitive des bulletins de vote », selon la Céni.
Pour cette tâche titanesque, la commission électorale refuse toute aide extérieure, même celle de la Mission des Nations unies (Monusco) présente depuis 20 ans en RDC, au nom de la souveraineté nationale.
L’opposition et la société civile demandent l’abandon de ces machines qu’elles surnomment « machines à tricher, à voler ou à frauder ».
Des experts britanniques ont énuméré « quinze risques à atténuer » dans son utilisation.
L’opposition critique également les millions d’électeurs sans empreintes digitales sur le fichiers électoral qui comprend 40 millions de noms et qui a déjà été nettoyé de ses doublons.
A l’instar de l’ANC mardi, les « partenaires » de la RDC redoutent « le chaos, l’instabilité et la violence » en cas d’échec du processus électoral dans cet immense pays au cœur du continent.