Le film « Aujourd’hui » du réalisateur franco-sénégalais Alain Gomis a remporté samedi à Ouagadougou le grand prix du Fespaco, le festival majeur du cinéma africain qui s’est conclu dans l’émotion et en musique.
Alain Gomis a reçu l’Etalon d’or de Yennenga, le trophée le plus prestigieux, des mains du président burkinabè Blaise Compaoré lors de la cérémonie de clôture de la 23e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision (Fespaco), devant quelque 15.000 spectateurs réunis au grand stade de la capitale burkinabè.
Son film, qui a fait « l’unanimité » au sein du jury des longs métrages, raconte la dernière journée d’un homme qui sait qu’il va mourir et qui erre dans Dakar.
Le héros est interprété par l’Américain Saul Williams, acteur et surtout musicien venu du hip hop et connu pour sa verve de slameur. Son rôle quasi mutique lui vaut le prix d’interprétation masculine. L’actrice franco-sénégalaise Aïssa Maïga tient l’un des rôles principaux.
« Moi qui suis fait de morceaux de Guinée-Bissau, de France, de Sénégal, je suis très heureux et très fier de pouvoir apporter le premier Etalon d’or au Sénégal », a lancé le réalisateur parisien, très ému, qui avait été révélé par « L’Afrance », film sorti en salle en 2001.
« La richesse du cinéma africain, aujourd’hui, c’est sa diversité », a-t-il ajouté, concluant par un tonitruant « vive le Fespaco! »
« Aujourd’hui » avait fait partie de la sélection officielle au festival de Berlin 2012.
L’Etalon d’argent a été décerné à « Yema » de Djamila Sahraoui (Algérie), présenté par la présidente du grand jury, la réalisatrice française Euzhan Palcy, comme une « tragédie antique et contemporaine » sur une famille brisée par un attentat islamiste.
La cinéaste algérienne, qui tient le rôle principal, était extrêmement émue au moment de recevoir sa récompense pour ce film qui prend une résonance particulière au moment où les forces armées franco-africaines combattent au Mali voisin des jihadistes liés à Al-Qaïda.
L’Etalon de bronze est allé à « La pirogue » de Moussa Touré (Sénégal), film sur le drame de l’émigration de jeunes Africains en quête d’Europe. L’auteur a dédié son oeuvre à « la jeunesse sénégalaise et la jeunesse africaine ».
Le numérique en 2015
L’ambiance était à la fête avec un concert du groupe ivoirien Magic System et un spectacle conçu par le célèbre danseur et chorégraphe burkinabè Seydou Boro, en forme d’hymne à l’Afrique.
Créé en 1969, le Fespaco, qui a accueilli cette année plus d’un millier de cinéastes, comédiens et producteurs, avait innové en confiant pour cette biennale la présidence de tous les jurys à des femmes. Euzhan Palcy, la réalisatrice martiniquaise de « Rue Case-nègres », s’est félicitée que le festival ait mis les femmes « au centre » et « à l’honneur ».
Une autre grande première viendra à la prochaine édition en 2015, ont annoncé les organisateurs à la clôture: la course dans la catégorie long métrage s’ouvrira enfin aux films tournés en numérique, alors que le débat a fait rage durant toute la semaine.
Sur la qualité de la cuvée 2013, les avis ont divergé. Si de très beaux films ont été projetés, d’autres semblaient des survivances du cinéma « calebasse » des années 1960-1970, brocardé pour sa façon de véhiculer une image passéiste et misérabiliste de l’Afrique.
« C’est dommage que le Fespaco continue de sélectionner des films qui ne devraient même pas être vus dans un festival de quartier », pestait un réalisateur préférant garder l’anonymat, interrogé par l’AFP.
En revanche, pour l’un des doyens du Fespaco, le Malien Souleymane Cissé, seul cinéaste à avoir décroché deux fois la récompense suprême, « on a eu des films de très belle facture sur le plan artistique, technique ».
AFP